Accor Arena, Paris. Ce 7 octobre 2021, le parvis du boulevard de Bercy fourmillera de visiteurs.

La raison de leur venue ? Le lancement de la French Fintech Week.

Qui sont-ils ? Des curieux, entrepreneurs, investisseurs, ingénieurs… Il faut dire que, sur le papier, la « Finance Technologique » a de quoi séduire : en 2020, rien qu’en France, le secteur a généré 1,2 million d’emplois et ses entreprises ont levé plus de 800 millions d’euros. Argent, haute technologie ou goût du risque, ils ont tous une raison de venir.

Mais qui sont ces entreprises qui promettent tout, à un prix imbattable… ou presque ?

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Que peut-on avoir pour rien du tout ?

Parmi les entreprises de la Fintech, certaines ont un positionnement assez intriguant. On peut remarquer Revolut, la néo-banque Britannique sans frais, qui va jusqu’à offrir les cartes de paiement, ou encore Robinhood, la plateforme de trading Américaine gratuite, au nom évocateur de richesses, de liberté et d’astuces mais qui semble aujourd’hui menacée par le gendarme américain.

Dans les deux cas l’entreprise semble solide : Elle est valorisée en milliards d’euros et implantée sur plusieurs continents. Toutes deux ont un portefeuille de 15 à 20 millions d’utilisateurs. En mars 2020, Robinhood aurait même annoncé que ses abonnés avaient réussi à enrayer le krach boursier consécutif à la crise sanitaire.

Les experts, eux, estiment que si Robinhood peut réellement influer sur la volatilité d’un marché financier, ses clients ont eu un effet négligeable sur le cours de la bourse et le CAC. Alors qu’en est-il du réel pouvoir de ces entreprises ?

Pour comprendre, remontons à 2018. A Londres, en plein mois de juillet, la National Crime Agency reçoit un appel de Revolut : La startup soupçonne des opérations de blanchiment d’argent sur sa plateforme. Le faible niveau des contrôles permet en effet à certains de contourner les règles imposées par les banques centrales. L’économie de sécurité, c’est une faiblesse récurrente.

Si l’affaire de Revolut est restée discrète, on ne peut pas en dire autant de Robinhood : sauvegarde d’informations non chiffrées, bug logiciel permettant d’utiliser un effet de levier ultra risqué, panne d’une journée empêchant les traders de gérer leurs investissements en pleine crise boursière. Il semble que tout ne soit pas au point. Toujours est-il qu’entre les amendes et les dédommagements, Robinhood aura redistribué près de 70 millions d’euros à la population.

Ce que cache une bonne affaire 

A Berlin, on l’appelle N26, comme le nombre de blocs dans un Rubik’s cube. Un nom qui évoque les idées simples qui se cachent sous la complexité apparente de la néo-banque. Et en effet, la stratégie de tarification de N26 est assez simple : L’entreprise maintenant forte de 7 millions de clients a revalorisé ses services gratuits pour intégrer des frais et des commissions.

Mais toutes ces entreprises ne jouent pas la simplicité. La plateforme de courtage décontracté Bux, fait augmenter la note de façon moins prévisible. Pour passer un ordre immédiatement, il faut ajouter un euro. Pour percevoir des dividendes en devises étrangères (GBP, CHF, YEN ou USD vers EUR), le taux de change sera majoré de 0,25 %. Bux applique des prix d’achat et de vente légèrement différents et empoche la différence.

Ce ne sont pas des frais cachés. Tout est expliqué sur le site de l’entreprise Néerlandaise, calculateur à l’appui. « Marché du forex », « CFD », « ETF », « devise de base » « FED » ou « euro-dollar », le site regorge de termes techniques et, pour le néophyte, il est difficile de comprendre pourquoi et quand s’appliquent ces coûts. Et c’est bien là que les choses se compliquent, parce que des millions de curieux viennent ouvrir un compte de trading chez ces brokers, mais peu d’entre eux sont réellement préparés à spéculer sur des produits financiers.

A coup de stratégie tarifaire ultra agressive, ces entreprises se sont donc constituées des portefeuilles de dizaines de millions d’abonnés, de quoi faire rêver. Mais entre surcoûts et ajustements tarifaires, sont-elles réellement rentables ?

Combien vaut un client ?

La rentabilité, c’est en effet là que le bât blesse.

Revenons à Berlin, siège de N26. L’entreprise se plaint des coûts de la banque centrale européenne. En 2020 l’entreprise s’est séparée d’une partie de ses employés américains, a revu ses salaires à la baisse et retardé son entrée au Brésil. Rien qu’en Europe, elle a enregistré une perte de 110 millions d’euros.

Néanmoins cotée à plus de 3,5 milliards de dollars en 2020, la startup est entrée dans le cercle très convoité des licornes. Spéculation ? Comment expliquer de tels chiffres ?

7 millions de clients pour N26, 13 pour Revolut ou 18 pour Robinhood… Ces entreprises ont toutes en commun leur clientèle démesurée. Revolut insiste en multipliant par 3 ses pertes avec l’objectif de tripler ses utilisateurs. Ces entreprises ne minent pas d’argent, d’or ou de pétrole, elles mesurent leurs cotations… en clients.

Yodlee est une plateforme de gestion financière américaine « gratuite ». Mais Yodlee est rentable, elle. Certains investisseurs débourseraient 2 millions de dollars par an pour accéder à leur analyse technique et, surtout, à leur données clients.

Yodlee l’assure, ils sont accrédités pour réaliser ces ventes et aucune information nominative n’est transmise.

  • Est-ce que l’utilisateur est informé des objectifs du programme auquel il participe ?
  • Peut-il connaître les informations échangées ?

C’est ce que la FTC (Federal Trade Commission américaine) aimerait bien savoir à l’issue de son enquête.

Le « Data As Revenue » (la donnée comme rémunération) explique donc pourquoi un investisseur apporte un soutien colossal à des entreprises si peu rentables. L’information est le grand objectif de plusieurs entreprises de la Fintech. Mais certains courtiers ont trouvé une autre solution pour s’enrichir.

A qui cela profite-t-il ?

Robinhood, le broker contesté, recueille 4 millions de trades par jour. Mais que se passe-t-il vraiment entre la plateforme et Wall Street ?

Quand quelqu’un achète, en face il y a forcément un vendeur, et inversement. Robinhood collecte les ordres d’achat et de vente mais pour réaliser les transactions, le courtier va devoir faire appel à ce qu’on appelle un teneur de marchés boursiers. C’est ce market maker qui va acheter ou vendre des actions, voir des cryptomonnaies aux utilisateurs de Robinhood. Et s’il garantit la liquidité des marchés financiers, le market maker n’a rien d’un robin des bois.

Le teneur de marché se rémunère en proposant un prix d’achat plus faible que son prix de vente. Chaque fois qu’il réalise une vente après un achat, il empoche la différence : le spread. Encore faut-il déboucler des lots d’opérations importants car, pour attirer les clients, il faudrait proposer les spreads les plus faibles. Citadel, un market maker l’a bien compris, et pour maximiser les profits, il est prêt à payer.

Des frais qui se démarquent des brokers classiques qui eux restent attachés à surfacturer des options comme l’ajout d’indicateur technique – ichimoku par exemple – ou les flux boursiers en temps réel.

Reprenons : Un trader pose un ordre d’achat sur l’application. Robinhood demande à Citadel s’il est prêt à payer pour être le vendeur. Citadel accepte, la transaction se réalise et Robinhood reçoit une commission de Citadel.

Mais Citadel n’est-il pas tenté de revoir sa cotation pour compenser la commission ? C’est là que le sujet fait débat. Le paiement pour obtenir un flux d’ordres, le PFOF (Payment For Order Flow), est légal dans beaucoup de pays. En revanche, le courtier doit s’assurer que la transaction se fait dans l’intérêt de son client donc qu’elle se réalise et au meilleur prix. Et ça, c’est difficile à mesurer.

La Fintech, des opportunités à saisir ?

Des innovations majeures apparaissent avec la technologie et le parvis de l’Accor Arena sera bien en effervescence.

En revanche, même avec la technologie, des entreprises disparaissent, se font pirater ou commettent des erreurs coûteuses.

Plus que jamais, il faut être correctement informé avant d’utiliser des instruments financiers dont les intérêts peuvent se révéler volatiles. Il est nécessaire de lire scrupuleusement les conditions d’utilisation, de vérifier la qualité du service et de comprendre les mécanismes qui rendent la magie possible. La technologie financière ne créé pas d’argent, elle amène simplement de nouveaux business modèles.